Un film écrit et réalisé par Alain Mazars.
Fiction expérimentale tournée en France.
Sélection du Festival "Cinéma en marge" de Paris.
Sortie en dvd par l'éditeur Re-Voir en 2021 avec un livret de 48 pages et trois autres
films : Le Jardin des âges, Visages Perdus et Actus.
Voici un film époustouflant. D'abord par le rythme des images, scansions visuelles, extrêmement rigoureux, des cadrages, une lumière, une direction d'acteurs, bref une concentration des éléments cinématographiques qui existe avant tout pour l'efficacité. Mais pas cette efficacité narrative dont nous abreuve le cinéma américain, mais réellement une efficacité professionnelle qui donne à chaque plan une dynamique, une force, une intention aboutie. Ici, les codes du fantastique sont à la fois amplifiés et distanciés par une plastique expressionniste qui pour la première fois peut-être dans l'expressionnisme prend l'humour en compte. Certains très gros plans de fleurs, d'insectes, font penser à la prose d'un Caillois dont je ne connaissais pas jusqu'ici d'équivalent au cinéma. Il existe dans ce film un double mouvement. En même temps, une sorte de retenue des plans et une boulimie, une frénésie à filmer, qui nous trouble et nous emporte dans une façon de voir qui nous était inconnue. Voici un film qui prend en compte tout un héritage plastique et narratif et qui le passe à la moulinette d'un style terriblement personnel.
.. Ici, les références abondent, que ce soit au cinéma métaphysico-fantastique d'Europe du nord ou au langage cinématographique communément appelé bressonien. Ces parentés s'englobent dans une création originale, très personnelle, scellée du souci constant d'une esthétique et d'un montage maîtrisés le plus parfaitement possible. Une oeuvre d'auteur, révélatrice d'un univers propre et d'un talent qui n'ont rien à voir avec les étiquettes et classifications toutes faites.
ENIVRANTE ÉTRANGETÉ
Avant de réaliser des films documentaires et des films traditionnels, Alain Mazars a entamé son parcours dans le monde du « cinéma différent ». Les quatre courts et moyens métrages édités par Re:voir, parmi les premiers, figurent au catalogue du CJC. ROUGES SILENCES (1979) tourné en super 8, est le plus narratif et le plus simple sur le plan formel. S'y exprime d'autant mieux un sens aigu de la composition visuelle, ici dominée par un rouge entêtant. Une maison de campagne fournit le décor d'un récit disloqué. Des corps absents à eux-mêmes s'y côtoient, produisant des regards et des gestes énigmatiques. Mazars exploite la possibilité de susciter le fantastique par la partialité du cadre ou par des effets d'animation rudimentaires, déployant l'étrangeté contenue en puissance dans un espace domestique à priori rassurant. La bande son, dépourvue de dialogues mais associant musique et bruits, nourrit cette atmosphère dérangeante. Les films suivants, tournés en 16 mm, convoquent d'autres traditions cinématographiques à travers la superposition d'images et la transfiguration du réel par la prise de vues. LE JARDIN DES ÂGES (1982) confirme un attachement à la figure humaine, à la nature et aux symboles, au sein d'un récit encore plus fragmentaire, mais cette fois accompagné d'un texte off. S'inspirant d'un mythe chinois, Mazars y met en scène son grand-père pour évoquer les différentes saisons de la vie. VISAGES PERDUS (1983) travaille la saturation du cadre en prenant pour matériau des images de visages réels et peints, démultipliés par de nombreuses surimpressions et animés par les gestes du filmer. Dans le livret qui accompagne le DVD, la cinéaste Frédérique Devaux fournit des clés de lecture de ces oeuvres en les reliant à l'ensemble de la filmographie d'Alain Mazars, tout en apportant quelques précisions techniques. On y apprend ainsi que le quatrième film, ACTUS (1984) fut tourné-monté lors d'une procession en Espagne. Olivia Cooper-Hadjian
Ces quatre courts métrages sont une révélation, même pour le connaisseur du travail d'Alain Mazars. Grâce à ces films réalisés entre 1978 et 1983, on remonte à la source ayant inspiré le réalisateur pour ses longs métrages (Ma Soeur chinoise, Lignes de vie ...) et ses documentaires sur des cinéastes hors norme (Jacques Tourneur et Tod Browning). Le délicat fil narratif autour de l'impossible intimité, les voix off et la réalité des témoignages de ces films-là cèdent ici la place à une distillation lyrique pour exprimer une essence de créativité poétique. Le DVD s'accompagne d'un livret bilingue, illustré et érudit, que nous recommandons de lire après avoir visionné les films. Le quatuor emprunte son nom au film de 1978. ROUGES SILENCES (53 minutes) annonce la couleur de ce cinéma subjectif qui fait écho à celui de Stan Brakhage, celle du dispositif des correspondances entre les médias et entre les gens (l'ouïe et la vision). Or, le rouge, qui renvoie à des leitmotivs, tels le feu et le sang, s'associe à l'absence totale de dialogue, jusqu'à inclure le langage des sourds-muets. De plus, le titre est lié au thème suggéré de l'être en conflit, tantôt dans des plans fixes et encadrés, tantôt par le déploiement en accéléré de figures semblables aux personnages du muet. Dès le début, une musique concrète s'impose, une amplification sonore allant de pair avec le grossissement visuel : sonnette de bicyclette, instruments électroniques, tissu qu'on déchire, crépitement de brindilles. Puisant dans un stock d'images moyennant un style indirect libre (comme dans la littérature moderniste), images et sons se répercutent comme dans un cerveau hallucinant, ou comme si on entendait et voyait par une conque. Les rouges d'un t-shirt, d'un feu de bois, d'étamines de marguerites saillantes, sont proches d'une peinture sur soie. VISAGES PERDUS (1983 ; 20 minutes) évoque une recherche de fantômes; la tête d'un sage obsède, le visage d'une femme se dessine. Les sons naissent des images et, inversement, des alphabets déferlent. ACTUS (1984 ; 23 minutes), signifiant « acte » ou actualité, voire acuité, est une orchestration nocturne. Une procession de pénitents porte une statue dorée de la Reine Vierge, on récite des prières en castillan en off. Une pluie d'argent, une cascade de vitraux gothiques alternent avec un aperçu de gloria baroque. Vitraux et corbeaux, psalmodies de moines tibétains ou chants grégoriens : dans ces films, l'Occident et l'Orient se donnent la main. En noir et blanc, LE JARDIN DES ÂGES (1982 ; 30 minutes) commence à brûle-pourpoint ; Roger Caillois est passé par là. Comment distinguer la montagne et les promontoires du visage ? Suis-je un papillon ou un bloc granitique ? Quelques accords de barcarolle et arpèges de harpe ; spiritualité et sensualité s'enlacent. Partout, les acteurs sont danseurs. Vient à l'esprit le poême de Yeats, « Parmi les écoliers » : « ô châtaignier, souche, milliers de fleurs, / Es-tu le tronc, la fleur ou le feuillage ? / Ô, corps que prend le rythme, ô regard, aube, / C'est même feu le danseur et la danse. » (Trad: Jean-Yves Masson.) Tout cela est beau. Eithne O'Neill
Si les quatre films expérimentaux réunis par Re:Voir s'imposent grâce à leur beauté plastique, ils invitent sans cesse le spectateur à s'y projeter. Souvent, le cinéaste esquisse un contexte et nous laisse le soin de l'investir : particulièrement angoissant, ROUGES SILENCES se (dé)focalise sur un simple d'esprit ; un peintre alchimiste se met au travail dans VISAGES PERDUS ; LE JARDIN DES ÂGES exprime le goût de Mazars pour l'Orient à travers une méditation onirique sur l'immortalité de la pierre, tandis qu'ACTUS fut tourné durant la Semaine sainte de Séville. Ces films de terreur accordent une place importante aux éléments (eau et feu surtout; terre et air parfois), ils établissent un rapport tactile au monde. Dans le même temps, parvenant à un point d'équilibre entre sidération figurative et défiguration, ils ouvrent à sa profondeur insoupçonnée, à son indéniable opacité, notamment grâce à une maîtrise absolue de la surimpression, effectuée tantôt au montage tantôt dans la caméra. Au-delà d'une simple construction musicale, la rapidité du montage, les mouvements de caméra et les dé/recadrages, le recours audacieux au zoom participent aussi à une mise au défi du regard ; ils le remettent en jeu et nous entraînent, fascinés, vers une perception autre. L'épais livret écrit par Frédérique Devaux, qui accompagne leDVD, traduit une belle amiliarité avec l'oeuvre du cinéaste et ouvre avec finesse différentes pistes de lecture; Pour autant, Mazars ne fait-il pas avant tout le récit de l'imagination de chaque spectateur ? Frank Lafond
Pierres philosophales d'un 7ème art en liberté.
Des pépites vintage du cinéma expérimental de Jean-Jacques Lebel et Alain Mazars ont été exhumées. Des films qui transgressent la narration traditionnelle. La société d'édition Re:Voir sort en DVD des joyaux chimiquement purs de Jean-Jacques Lebel (né en 1936), artiste polymorphe qui a flirté avec toutes les avant-gardes politiques et artistiques; et Alain Mazars (né en 1955), cinéaste dont on connaît surtout les fictions et documentaires consacrés à l'Asie ... Alain Mazars, lui, s'intéresse moins aux manifestations dionysiaques qu'à la vie intérieure des choses et des êtres. Ses courts métrages les plus denses sont ceux du début : ROUGES SILENCES (1978) et LE JARDIN DES ÂGES (1982). Dans le premier, tourné à la campagne, pas de récit au sens propre, mais des actions ésotériques et inquiétantes où rôde souterrainement l'idée de l'horreur. Les personnages, souvent figés, exécutent et miment des gestes abscons, parfois menaçants. Le travail visuel est étayé par des sons non synchrones précisant les intentions et le sens des visions. Exemple fulgurant : des marguerites collées derrière des vitres dépolies se mettent soudain à saigner pendant qu'on entend une femme pleurer. Précipité de beauté terrible qui explique en partie pourquoi, des décennies plus tard, Mazars a tourné des documentaires sur des maîtres de l'étrange comme Jacques Tourneur et Tod Browning. Dans LE JARDIN DES ÂGES, il explore plus profondément la matière filmique, en recourant presque systématiquement à la surimpression, en organisant un processus obsessionnel courant autour de la figure écurrente d'un vieil homme. Par la suite, Mazars fit des expériences plus graphiques, puis émigra en Chine, qui a fourni la matière de ses premiers longs métrages de fiction. La découverte de ces premiers essais oniriques apporte un éclairage nouveau sur le travail de l'artiste. Car l'expérimentation artistique est souvent un tremplin, un laboratoire de gestation grâce auquel une oeuvre peut évoluer, s'épanouir. Dommage que notre époque pragmatique et moraliste ait mis au rancart cette dimension rêveuse et funambulesque du cinéma. Vincent Ostria
Avec son premier long-métrage, PRINTEMPS PERDU (1990), sélectionné, entre autres, à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, le cinéaste Alain Mazars se fait remarquer. Mais c'est surtout MA SOEUR CHINOISE (1994), avec Alain Bashung, qui lui confère une place à part dans le coeur des cinéphiles. En parallèle à ses films de fiction, Alain Mazars tourne, depuis 1978, de nombreuses oeuvres expérimentales. La première, ROUGES SILENCES, donne son titre à un DVD récemment paru réunissant quatre de ses films. À cette occasion, PRIME CUT est allé à sa rencontre.
Que pouvez-vous nous dire sur ROUGES SILENCES ?
A partir d'un synopsis et d'une note d'intention de quelques pages, le tournage s'est déroulé sur une durée de trois semaines avec des acteurs non professionnels que j'ai réunis dans un village breton des environs de Dinan. Sur le plan formel, le film est l'aboutissement d'essais en super 8 effectués auparavant. Le fait d'être le seul technicien des quatre films du dvd m'a donné une liberté que je n'aurais pas eu avec une équipe. ROUGES SILENCES était auto-produit, sans aucune subvention. J'ai voulu traduire en images et en sons la perception fragmentée d'un personnage dont l'identité ne peut être qu'énigmatique. On peut le voir comme un autiste sourd et muet passant pour un idiot du village. La maison qu'on voit dans le film est une représentation visuelle de son monde intérieur. Des quatre films du dvd, et bien que ce soit le plus ancien, c'est curieusement celui avec lequel je ressens encore une proximité aujourd'hui, peut-être à cause du contexte social actuel d'isolement et de censure imposé par les consignes sanitaires mondiales.
Pouvez-vous nous présenter LE JARDIN DES ÂGES (1982), VISAGES PERDUS (1983) et ACTUS (1983), les trois autres films présents sur ce DVD ?
Le point de départ du film LE JARDIN DES ÂGES est l'ouvrage Pierres de Roger Caillois sur la fascination de l'homme pour la pierre. Se déplaçant de la montagne vers la mer, le film se déroule comme un rêve incantatoire où se rencontrent les quatre saisons de la vie : le printemps de la naissance, l'été de l'enfance, l'automne de l'homme devenu adulte et l'hiver du vieillard. Visages Perdus s'inspire du regard porté par le psychiatre Carl Gustav Jung sur l'alchimie en tant que révélateur du fonctionnement de l'inconscient. Le film, qui évoque le travail d'un peintre alchimiste à partir de trois portraits, décrit le combat mené par l'artiste et son pinceau pour restituer un souvenir pictural de visages. Parallèlement à ce travail de mémoire est suggérée une atmosphère fantastique reliée aux pratiques des alchimistes. Dans Actus, j'ai filmé la semaine sainte de Séville en Espagne, qui revêt un caractère
spectaculaire tout à fait surprenant. Il s'agissait pour moi d'immerger le spectateur dans le présent d'une célébration religieuse, en réalisant le montage au moment du tournage, dans la caméra. Tout ce qui ressemble à des effets spéciaux dans ces trois films tournés sur pellicule 16 mm sont effectués à la prise de vue, sans aucun recours à du travail de laboratoire.
Vos films se caractérisent, et ce, dès le premier, par une grande maîtrise du cadrage, montage, découpage, de la photographie ; leur nombre de plans est impressionnant. Quelle est votre méthode de travail ?
Chaque film impose une méthode de travail particulière qui dépend de l'idée de départ du projet. Pour Rouges Silences, j'installais des situations avec mes acteurs et tout se dessinait peu à peu pendant le tournage, en fonction de ce que je percevais autour de moi, en particulier la lumière du soleil et les ombres qui se déplacent dans les intérieurs de la maison du film, au fur et mesure que le temps s'écoule, l'attente d'évènements impromptus. J'avais 22 ans et j'étais très attiré à l'époque par les films de terreur parce que j'y voyais mis en évidence le fait que le comportement humain est très souvent dicté par la peur. L'état pathologique le plus exacerbé dans la manifestation de la terreur est probablement l'autisme et c'est cet état que le film tente d'exprimer. Sur le plan formel, je savais très exactement où j'allais mais il y avait en même temps une part d'improvisation. Quand je filme, je suis plongé dans un état d'attention extrême, presque dans un état second où je sors de mon corps pour me projeter mentalement dans ce que perçois dansl'instant : les êtres vivants mais aussi les objets. Dans cet état de réceptivité, tout est traité
à égalité sur le plan de l'attention : la maison et ce qu'elle contient (le papier peint des murs qui se décolle, des vieilles statues bretonnes menaçantes, le vieux plancher troué ...). Le résultat est ma vision du monde intérieur d'un autiste en tant qu'individu isolé, enfermé en lui-même. D'emblée, ce monde semble à la fois incompréhensible et terrifiant sur le plan visuel et pour donner un sens à tout ça, quelque chose manque qui est restitué au montage par le son. C'est pourquoi, j'accorde une importance primordiale au travail du son en post-production.
Que pouvez-vous nous dire sur la relation image-son dans votre cinéma ?
Dans tous mes films, j'essaye de trouver une synergie entre l'image et le son. Alors que le montage des films tournés sur pellicule avec une table de montage 16mm ou 35 mm prenait un temps considérable sur le simple plan de la manipulation, le montage numérique permet désormais d'aller très loin dans la recherche et l'exploration de la relation image-son, sans faire appel à toute une équipe de spécialistes. Le travail sur la relation image-son souvent désigné sous l'étiquette de « sound-design » était autrefois réservé à des grosses productions américaines ayant les moyens d'investir une partie du budget sur cette étape considérée comme secondaire par les petites productions.Aujourd'hui, il est possible d'avoir les mêmes exigences artistiques chez soi en l'absence de budget : il n'y a donc plus d'excuses pour se dispenser d'avoir à faire preuve de créativité au niveau sonore. Ce qui reste nécessaire, c'est le temps qu'on investit dans ce travail où l'imaginaire peut aller très loin. Ce qui importe avant tout pour moi, c'est la dimension poétique et ludique du cinéma, ce qu'un film peut déclencher dans l'imaginaire
du spectateur et cela, au-delà de la traditionnelle catharsis recherchée par la dramaturgie dérivée de la tragédie grecque.
Quelles places tiennent l'onirisme et la psychanalyse dans votre travail ?
Le cinéma relève d'une espèce d'envoûtement qui est facile à obtenir quand on est enfant, mais qui s'émousse avec l'âge adulte. Mais il y a quelque chose de très primitif dans la relation au cinéma, et le spectateur de film plonge dans un domaine que l'on pourrait rapprocher de ce que Carl Gustav Jung appelle l'inconscient collectif. Et ça, c'est la spécificité du cinéma qui m'intéresse le plus. Mon premier désir de cinéma, c'est l'expression d'un imaginaire relié à l'enfance et à l'inconscient, l'exploration de ce que l'on ne voit pas, de soi et des autres. La psychanalyse dit que l'homme est un animal terrorisé et les films de terreur m'intéressent parce que leurs réalisateurs ont été amenés à explorer comment fonctionne le phénomène de la peur.
Le fantastique est omniprésent dans vos uvres, en quoi ce genre compte particulièrement pour vous ?
Ceux qui sont sensibles à la peinture, aux arts plastiques et à l'esprit poétique, peuvent attendre du cinéma autre chose que ce qui nous est habituellement proposé sur les écrans. Depuis l'arrivée du cinéma parlant, les explorations formelles s'éloignant d'une recherche d'efficacité sur le plan narratif sont souvent considérées comme des « cerises sur le gâteau » négligeables alors que pour moi, c'est l'essentiel. Il demeure des exceptions dans le domaine du cinéma fantastique et à ce titre, ce genre me semble souvent le plus inventif sur le plan formel. Même si j'apprécie beaucoup certains grands films de science-fiction ou d'anticipation, c'est surtout le fantastique relié au film de terreur qui m'intéresse le plus. Des films comme La maison du diable de Robert Wise, L'Autre de Robert Mulligan, Rosemary's Baby de Roman Polanski, Suspiria et Inferno de Dario Argento, Eraserhead ou Twin Peaks : The Return de David Lynch, sont vraiment pour moi des références qui stimulent l'imaginaire. J'ai aussi été impressionné par des uvres singulières et poétiques comme L'Aventure de Madame Muir de Joseph L. Mankiewicz,
Pandora d'Albert Lewin, Les Innocents de Jack Clayton qui sont inspirés par la littérature fantastique.
Vous avez tourné de nombreux documentaires. Certains sur Atom Egoyan, Tod Browning, Jacques Tourneur, Douglas Sirk, ces choix ne sont pas innocents ?
Tous les réalisateurs que vous avez cités sont pour moi des références. Tod Browning est le plus ancien puisqu'il a été un cinéaste du muet très inventif avec des chefs d'uvre comme L'Inconnu, Le Club des trois ou A l'Ouest de Zanzibar avant d'aborder le parlant avec Freaks qui est l'un des films les plus troublants de l'histoire du cinéma. Jacques Tourneur a abordé tous les genres de façon toujours très personnelle et c'est pour moi un artiste exemplaire. Je l'ai découvert alors que j'étais adolescent à travers ses films fantastiques (Vaudou, La Féline, Rendez-vous avec la peur) qui m'ont vraiment marqué. Douglas Sirk parvenait à émouvoir en profondeur et à remuer le spectateur par des récits qu'on pourrait qualifier de mélodramatique. Pourtant, grâce à toutes les composantes du langage cinématographique qu'il déploie et en particulier par la lumière, les couleurs et les cadrages, ses films sont bouleversants. Atom Egoyan est pour moi l'un des cinéastes vivants les plus créatifs et singuliers. Je suis aussi admiratif de plusieurs grands cinéastes japonais (Mikio Naruse, Akira Kurosawa, Ozu) mais je pourrais aussi citer beaucoup d'autres grands réalisateurs.
Êtes-vous en train de travailler sur un nouveau film actuellement ?
Je viens d'achever le montage d'un long métrage qui exprime mon ressenti sur le monde actuel depuis l'épidémie. Il s'agit d'un film de fiction intitulé Des enfants et des ruines tourné en 16 mm, en Espagne, et faisant référence à l'onirisme dans le cinéma muet. Mais ce n'est pas pour autant un film muet car la bande son y a une fonction essentielle et le travail sur la relation image-son est dans la continuité de ce que j'ai exploré antérieurement. Jérôme Pottier. Entretien.