Un film écrit et réalisé par Alain Mazars.
Produit par Jean Louis Livi.
Sélection du Festival International de Toronto.
Sortie en salles en février 2001.
Diffusé sur TPS en 2002 et sur France 3 en mars 2004.
Caroline Sihol, Yin Bing, Jessica Mazars, Shiang Chyi Chen, Xiaoxing Chen.
Musique : Olivier Hutman
Anne, divorcée, mère d'une petite fille de 9 ans, se rend en Chine pour adopter un bébé. Très vite viendront les doutes, les angoisses, les peurs, les découvertes inattendues qu'elle fera sur les chinois rencontrés au cours de ce voyage, ainsi que sur son propre comportement et celui de sa fille. Et puis la Chine de l'an 2000 n'est plus du tout le pays qu'elle avait appris à connaître à travers son amie, une chinoise du nom de Ling. C'est un monde nouveau, inconnu, difficile à comprendre, où à la suite d'une machination, Anne va se retrouver hors la loi.
... D'une Chine rêvée, Alain Mazars, qui a séjourné là-bas une année, a fait le thème principal de son travail de cinéaste, PRINTEMPS PERDU, MA SOEUR CHINOISE. Mais après la fascination, LA MOITIE DU CIEL exprime la déception face à un pays devenu au fond comme un autre, avide et pragmatique - un personnage d'étudiant idéaliste sauve in extremis l'honneur. Dans le même temps, Alain Mazars nous tend un miroir, tant sur notre appréhension de la Chine que sur ce désir très ambigu d'adoption.
... un très beau film.
... D'une valeur documentaire incontestable, ce film a le mérite de dénoncer une réalité douloureuse...
Les films qu'on peut voir cette semaine. LA MOITIE DU CIEL. ... Anne, divorcée, mère d'une fillette de 10 ans, se rend en Chine pour y adopter un bébé. traquenards, voleurs, autorités corrompues, la quête sera longue. Caroline Sihol incarne avec justesse une femme désemparée et têtue comme une pioche. Quant au réalisateur Alain Mazars, il pourrait se faire naturaliser chinois : c'est son troisième long métrage dans l'Empire du Milieu.
"... Anne, une française divorcée débarque en Chine avec sa fille de dix ans. L'expression LA MOITIE DU CIEL trouve sa signification dans la culture chinoise (elle désigne la femme) et Anne va trouver la sienne en Chine. Elle va donc trouver son autre moitié: une autre civilisation qui va la transformer, un homme avec qui elle aura presqu'une aventure, un autre enfant qui viendra équilibrer sa relation trop exclusive avec sa fille. Le film d'Alain Mazars se situe sur la ligne de partage qui sépare le manque de la plénitude, le yin du yang, les situations "documentaires" de situations "fictionnelles". Les rapports qui se nouent entre Anne et son nouveau pays d'adoption s'inscrivent avec beaucoup de justesse. Après le choc réaliste du premier contact et des certitudes de son personnage, le film bascule imperceptiblement dans un univers fantastique qui culmine dans la dernière scène, comme les certitudes, les contours réalistes du monde s'estompent peu à peu. Nicolas Azalbert
... Anne (Caroline Sihol), divorcée, vient en Chine avec sa fille de dix ans pour adopter un second enfant; embûches administratives et escroqueries diverses se mettront sur son chemin. Coauteur du scénario avec son interprète principale, et bon connaisseur de la Chine, Alain Mazars signe un film sincère et réaliste.
... PRINTEMPS PERDU et MA SOEUR CHINOISE, les deux premiers longs métrages d'Alain Mazars, avaient déjà la Chine comme décor central. Sous l'oeil fasciné de sa caméra, ce pays se paraît d'une langueur, d'une nostalgie et d'un mystère que la sensibilité de ce metteur en scène mettait subtilement et pudiquement en scène. Cette fois, avec LA MOITIE DU CIEL, la construction empirique du scénario malmène cette invitation à la rêverie pour imposer les marques d'un récit solidement bâti... Alain Mazars troque un cinéma contemplatif pour l'efficacité calibrée d'un scénario sans temps mort.
... Tandis que plusieurs cinématographies asiatiques triomphent dans les festivals et les médias, jusqu'à provoquer un engouement du public hexagonal de plus en plus affirmé, un film français dresse l'état des lieux d'une relation impossible entre notre nation et une Chine continentale en pleine expansion économique et sociale. Avec LA MOITIE DU CIEL, Alain Mazars éloigne le cinéma français de ses récits de proximité pour proposer une confrontation, un choc culturel avec la prochaine superpuissance mondiale. Il met en perspective la place que peut occuper l'idée de la France dans une culture étrangère, comme si son troisième long métrage était une réponse à la vague d'oeuvres chinoises distribuées sur nos écrans. Après CODE INCONNU (Michael Haneke), la question de l'existence de la France en dehors de ses frontières est ici à nouveau posée.
LA MOITIE DU CIEL investit le quotidien chinois et aborde le sujet de l'adoption en remettant en cause la bonne conscience occidentale. Ce thème permet à Mazars d'élaborer une personnage archétypal de bourgeoise divorcée. Caroline Sihol interprète avec aplomb une mère éprise des certitudes de sa classe. Se rendant en Chine pour offrir à sa fille un petit frère, Anne conduit son entreprise comme un missionnaire dont le pragmatisme supplante peu à peu la cause humanitaire chère à la propagande de certaines ONG. Sa froideur apparente ainsi que sa politesse compassée ne dénoncent pas la fausseté d'un comportement, mais campent une héroïne classique dont l'intégrité sera bouleversée par les turpitudes administratives et la corruption. De son caractère pétri de convenances mêlées à un monde où le secret entoure la fonction publique, naît un sentiment d'hétérogénéité, de lutte, qui procure à LA MOITIE DU CIEL un style moderne. Comme l'avait montré le cinéma de Rossellini (STROMBOLI, EUROPE 51), l'hétérogénéité d'une mise en scène n'émerge pas de l'opposition de deux cultures, mais de l'immersion et de la communication d'un personnage avec un univers qui lui est inconnu. Anne sait parler le chinois; Mazars se sert de cet atout pour amener son personnage aux limites de perversion. La scénographie du film accompagne aussi ce détournement. Dès le premier plan du film, LA MOITIE DU CIEL refuse d'identifier la Chine à travers un exotisme et des attributs touristiques conventionnels. Anne et sa fille Sophie sortent la nuit de l'aérogare et sont conduites en taxi à travers une ville méconnue. Zhao, leur guide qui parle un français parfait, rend un peu plus confuse la nationalité du pays qu'elles parcourent. Le jour se lève sur une cité inachevée qu'Anne et Sophie observent depuis leur hôtel sordide. Cette vision de terrain vague augure un sentiment de perte. Les deux femmes n'auront pour tout repère que la confiance qu'elles peuvent éprouver envers des habitants qui vivent comme des nomades. Zhao, avant de disparaître, intervient auprès d'Anne uniquement pour faire avancer les démarches administratives liées à l'adoption. La présence-absence de cet homme, à priori bienveillant, évolue vers une incarnation fantômatique jusqu'alors insoupçonnée. Le spectateur s'attend à tout moment à voir Zhao trahir les deux françaises. Mais il évite de la tromper grossièrement. Il installe un rapport amical, lui rendant par exemple ses papiers à l'improviste.
La malhonnêteté du guide est pourtant démasquée. Yen, l'étudiant, prend alors sa place auprès d'Anne et Sophie. Anyi, la saltimbanque, rejoint le trio. La narration ne justifie pas d'emblée, pour ces deux jeunes chinois, la nécessité d'aider Anne. Ils interviennent dans l'histoire comme la répétition de plusieurs thèmes, à la manière d'une forme musicale proche de la fugue. Yen représente le reflet positif de Zhao. Anne ne s'y trompe pas. Une nuit, elle tente de le séduire. Son désir d'affection se confond avec un désir de maternité, voyant en Yen le fils rêvé aussi bien que l'homme serviable. Zhao aurait pu également incarner cet amant, tentation révélée lors du dénouement, et qu'il avait déjà énoncée dans le restaurant, sur la piste de danse. Anyi, quant à elle, installe par sa pratique de la magie et du cirque une dimension artistique dont l'amplitude ne cessera de croître jusqu'à la fin. LA MOITIE DU CIEL débute avec un style réaliste pour se conclure sur une forme théâtrale. Le cirque d'Anyi, planté au milieu du terrain vague entouré par la cité, trouve un écho final lors de la fête folklorique. Les tours de magie de la jeune saltimbanque, qu'admiraient Anne et Sophie, semblent correspondre au ton merveilleux de cette cérémonie où les protagonistes sont plongés dans une ambiance irrationnelle. Zhao devient plus monstrueux que jamais, apparaissant comme un sorcier. Il délivre anne de sa geôle, comme si celle-ci sortait d'un rêve éveillé. Puis, du haut de son mât, il contemple son échec et voit cette foule au milieu de laquelle Anne gagne sa légitimité de mère adoptive. Et Zhao n'a plus qu'à constater son impuissance à maîtriser la cupidité d'une police, un gang qui réclame ses dettes, et par-dessus tout un amour maternel qui défie les frontières. Sa trivialité supprime les barrières culturelles entre l'Européenne et lui. Mazars réussit à authentifier une relation, comme si sa mise en scène distillait les affects pour n'en livrer qu'une substance épurée, celle d'un langage universel des émotions. D'où un recours fréquent à une musique répétitive pour transcender les scènes de déplacements ou de tractations. Elle lui permet d'accélérer par moments la course d'un récit déjà très concis. LA MOITIE DU CIEL échappe ainsi aux catégories du cinéma classique. Ni mélodrame ni vrai thriller, ce long métrage s'édifie sur une base rythmique dont l'énergie du montage correspond à la course haletante d'une survie. LA MOITIE DU CIEL pose le spectateur sur une ligne de démarcation entre la vie et la mort. Cette frontière apparaît plusieurs fois à l'image, à travers une profondeur de champ divisée en sous-cadres: l'encadrement d'une porte, d'une fenêtre, un muret qui servent d'obstacles métaphoriques et régénèrent le combat d'Anne, tant pour sa dignité que pour celle de sa fille adoptive. LA MOITIE DU CIEL renoue avec l'utopie d'un amour transfrontalier sans omettre la cruauté d'un monde adulte qui jalouse le devenir optimiste d'un enfant... ce que représente, au fond, l'infantilisme de Zhao. Pierre Eisenreich